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Ce blog interviewe un candidat à la direction de l'École Polytechnique, qui veut réorienter celle-ci vers la recherche en montant une association avec l'université Paris-Sud et en augmentant jusqu'à 50% la proportion de diplômés qui continuent leurs études par un doctorat.
http://huet.blog.lemonde.fr/2018/04/26/un-candidat-surprise-pour-lecole-polytechnique/
Il veut aussi supprimer le classement des élèves pendant leur scolarité à l'X (classement de sortie).

1. Un détail

Supprimer le classement de sortie pour mieux s'associer avec une université winneuse du classement de Shanghaï ? Si l'objectif, c'est Shanghaï, ne vaudrait-il pas mieux conserver l'esprit de compétition permanente ?

2. Sur le fond

Polytechnique, jusqu'à présent, c'était l'établissement où les stars de la recherche scientifique venaient donner quelques heures de cours pour stabiliser leurs revenus et se libérer des contingences de la chasse au poste permanente et du harcèlement par les doctorants et candidats-doctorants. Ces stars étaient issues de partout et de cette manière, l'X était associée à toutes les universités de France. Il n'y a pas de raison de l'associer à une université en particulier, et surtout pas à une université située à proximité.

Du point de vue des élèves : on mettait devant des pointures de tous les domaines scientifiques possibles les étudiants les mieux à même de comprendre cette énorme variété de savoirs hyperpointus, à savoir ceux qui avaient le mieux assimilé les bases des maths et de la physique, et qui n'aspiraient pas (ou pas encore) à se spécialiser. Cette construction fait sens.

Il était clair pour tous que les élèves complèteraient leur formation par une école d'ingénieur spécialisée ou par un doctorat, et on ne les incitait pas trop à choisir le doctorat, parce qu'on était bien conscient qu'ils n'avaient pas eu de contact avec le quotidien de la recherche et que leur absence de spécialisation et de carnet d'adresses universitaires n'en ferait pas de bons chercheurs. D'ailleurs ils n'étaient pas bienvenus dans les facs normales, et l'X avait mis en place des DEA et des doctorats correspondant à cette "clientèle" très spéciale (avec là encore beaucoup de stars parmi les profs). Il ne sera pas évident du tout d'obtenir 50% de doctorants parmi les Polytechniciens : Paris-Sud n'a certainement pas envie de voir débarquer 200 touche-à-tout brillants qui remettraient en question ses mandarins par leur interdisciplinarité et qui n'apporteraient aucune adresse ni aucun partenariat. Et puis Polytechnique pourrait avoir du mal à recruter des profs-stars si ceux-ci étaient soudains chargés de s'intéresser à la moitié de la promo au lieu de seulement délivrer leur savoir du haut de l'estrade.

On obtenait ainsi 350 très bons ingénieurs et 50 ingénieurs-docteurs non réellement destinés à devenir chercheurs (ou alors pas dans le public) - et aucun manager. C'est une construction qui faisait sens pendant les 30 glorieuses, mais évidemment, si le mûrissement de l'économie aboutit au déclassement des ingénieurs et à la prééminence des managers, Polytechnique devient inutile, il vaut mieux fonder une école nationale de management ou ouvrir les carrières nationales aux managers issus d'écoles de management.

L'X appâtait les meilleurs préparationnaires avec la perspective d'une carrière prestigieuse dans les corps de l'État, ce qui nécessite un classement pour répartir les places. Environ la moitié des élèves se pliaient à cette compétition, l'autre moitié renonçant aux corps dès la première année d'études et n'étant plus réellement classés. Compte tenu de cette liberté, c'est là aussi une construction qui fait sens.

On se demande si le candidat-directeur interviewé là a tout ça bien en tête...

3. Sur la forme

Le blogueur explique que jusqu'ici, le choix du directeur de Polytechnique était effectué dans le secret des cabinets ministériels ; il se réjouit que pour la première fois, il fasse l'objet d'un appel à candidatures public ; il se demande si cet appel à candidatures est réellement ouvert, ou si le résultat est prévu d'avance.

L'École Polytechnique souffre effectivement d'opacité et la publicité des nominations est un thème qui mérite réflexion. Il est tout-à-fait bienvenu que les candidats publient leur connaissance de l'École et leur projet.

La question qui reste est de savoir si tous les candidats seront traités équitablement sur ce point. On voit bien ici que M. Moatti a accès aux blogs du Monde indépendamment de la qualité de sa candidature. Le blogueur n'interviewera vraisemblablement pas les autres candidats.

Il n'est pas raisonnable de réclamer une société transparente dans l'état actuel de la presse : le secret des cabinets ministériels est bien plus équitable et rationnel que les colonnes des journaux...

Tag(s) : #Recherche, #Enseignement, #Universités, #Corps de l'État, #Polytechnique
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